Il est 6h du matin à Uri. Les lumières du couloir s’allument.
Une infirmière se frotte les yeux après une longue nuit.
Un jeune médecin consulte la liste du matin.
À l’étage, le directeur général regarde le tableau d’occupation.
Trois personnes, une question : combien de temps pouvons-nous continuer à faire plus avec moins ?
Partout en Suisse, cette question est devenue familière.
Mais sous la pression, de nouvelles réponses émergent — discrètes, mais porteuses d’espoir.
Elles révèlent le type de leadership dont notre système a désormais besoin.
Le système de santé suisse est depuis longtemps synonyme de qualité et de fiabilité.
Mais même les structures solides finissent par plier sous la charge.
La pénurie de personnel, les contraintes financières et les attentes croissantes mettent à l’épreuve la capacité d’adaptation de chaque hôpital.
Le rapport d’inspection 2024 de Swissmedic l’a clairement montré.
Dans 23 hôpitaux, les inspecteurs ont relevé des lacunes dans la gestion des dispositifs médicaux, la maintenance et la cybersécurité.
Non pas parce que les équipes se désengagent,
mais parce que le système laisse trop peu de temps et d’espace pour s’améliorer.
La conformité demande de l’énergie.
La vraie qualité exige de la collaboration.
Et beaucoup d’équipes fonctionnent à vide.
Cette tension entre innovation et impact a été largement évoquée lors du congrès Future Health Lausanne 2025.
La Professeure Katrin Hoffmann, directrice médicale de l'Hôpital Cantonall de Lucerne, a rappelé une réalité frappante :
« De la recherche à la pratique, il fallait autrefois près de 17 ans pour qu’une découverte atteigne le quotidien des soins.
Ce n’est plus possible. L’innovation doit aller plus vite, mais aussi s’adapter à la réalité des hôpitaux et des professionnels.»
Le constat a fait écho dans toute la salle.
Le problème n’est pas un manque d’idées,
mais le fossé entre ce qui est possible en théorie et ce qui fonctionne sur le terrain.
Au Kantonsspital Uri, le directeur général Fortunat von Planta a maintenu la rentabilité de l’hôpital en 2024, malgré des taux d’occupation variant de 55 à 147 %.
Sa stratégie était simple mais audacieuse : faire confiance aux personnes les plus proches du travail.
Le nouvel accord collectif a rendu les horaires flexibles, mais équitables et transparents.
Quand le nombre de patients baissait, les soignants pouvaient rentrer plus tôt.
Quand il montait, ils revenaient volontiers.
Tout le monde connaissait les règles — et partageait la responsabilité.
En parallèle, l’hôpital est devenu presque sans papier, grâce aux outils numériques et au codage assisté par IA, évitant ainsi des pertes de revenus.
Mais le vrai progrès n’était pas technique.
Il était culturel.
La flexibilité est devenue un rythme collectif plutôt qu’une source de frustration.
À Neuchâtel, le Professeur Philippe Eckert repense ce que doit être un hôpital.
En tant que président du Conseil d’administration du Réseau Hospitalier Neuchâtelois (RHNe), il est convaincu que l’avenir se joue au-delà des murs.
Son équipe développe des centres de santé décentralisés et des unités mobiles en gériatrie, réadaptation et soins palliatifs.
L’objectif : accompagner les patients tout au long de leur parcours, pas seulement pendant leur hospitalisation.
Cette approche soutient aussi les équipes.
En concentrant davantage d’activités sur les heures de jour, le RHNe allège les charges de nuit et de week-end, améliorant l’équilibre de vie des professionnels.
L'avenir des soins ne se situe pas dans les hôpitaux. C'est entre eux.
Les constats de Swissmedic ont révélé les limites d’une qualité guidée par la conformité.
Beaucoup d’hôpitaux respectent les standards minimaux, mais peinent à aller plus loin.
Le manque de temps et les sous-investissements jouent un rôle — mais la cause plus profonde est la peur.
Quand on craint d’être blâmé, on n’apprend plus.
Lors du congrès Future Health Lausanne 2025, la Professeure Sabina De Geest, professeure en sciences infirmières à l’Université de Bâle et cofondatrice du Swiss Implementation Science Network, a nommé ce phénomène « le maillon manquant de l’innovation ».
« Nous investissons des millions dans la recherche et les essais, mais très peu dans la phase suivante : comment amener l’innovation dans la pratique réelle. C’est le cœur de la science de l’implémentation. »
Son message était limpide : l’innovation ne s’arrête pas à la découverte, elle commence avec la traduction : comprendre le contexte, impliquer les parties prenantes et créer les conditions d’une adoption durable.
H+ et Swissmedic s’inspirent aujourd’hui de cette approche, en co-développant des plateformes de partage où les hôpitaux apprennent de leurs quasi-incidents au lieu de les cacher.
La vraie qualité grandit quand les gens se sentent en sécurité pour parler et apprendre.
Lors du même panel, la Professeure Hoffmann a partagé un exemple parlant.
Son équipe à Lucerne a mis en place une application de planification des horaires assistée par IA.
Mais au lieu de l’imposer, ils l’ont co-conçue avec les infirmières qui allaient l’utiliser.
Résultat : une satisfaction accrue et trois heures gagnées par cycle de planification pour chaque responsable.
« On a enfin l’impression que le système travaille pour nous, et non l’inverse. » a confié une infirmièreà son équipe.
Un petit exemple, mais une grande leçon : la technologie réussit quand elle est construite avec les gens, pas pour eux.
L’article 58a de la LAMal marque une évolution silencieuse vers un système plus collaboratif.
Les hôpitaux participent désormais à des programmes nationaux sur la sécurité médicamenteuse, la prévention de la septicémie et la sécurité chirurgicale.
L’exemple le plus marquant : la « Salle des erreurs », un espace de simulation où les équipes explorent de vraies erreurs pour en tirer des enseignements.
Ce n’est pas un lieu de reproche, mais de croissance.
Ces initiatives traduisent un vrai changement : passer de l’inspection à l’introspection, transformer la conformité en communauté.
Parce qu’un insight n’a de valeur que s’il mène à l’action, voici les états d’esprit qui façonnent la prochaine étape du système suisse.
Le système de santé suisse se trouve à la croisée des chemins.
Un chemin mène à plus de contrôle, plus de rapports, plus d’épuisement.
L’autre mène au partenariat — entre professions, institutions et générations de soignants qui veulent encore faire la différence.
Le premier semble plus sûr.
Le second demande du courage.
Mais c’est le seul capable de restaurer la confiance.
La transformation ne commence pas par une nouvelle directive.
Elle commence par une conversation où chacun se sent écouté,
dans une équipe qui apprend au lieu de blâmer,
avec un leader qui choisit la connexion plutôt que la perfection.
La question n’est plus de savoir si la Suisse peut se permettre de changer.
Mais si ses leaders peuvent se permettre de ne pas le faire — de l’intérieur.
Bee’z Consulting accompagne les hôpitaux et les organisations de santé dans le développement de cultures de confiance, de responsabilité et de collaboration, pour que la stratégie devienne un comportement vécu au quotidien.
L'IA est omniprésente dans les sciences de la vie. Il peut concevoir des protocoles d'essai en quelques minutes, signaler les effets secondaires avant qu'ils n'apparaissent et même rédiger des documents réglementaires pendant que vous dormez.
En Suisse, un nouveau type de leadership transforme les soins : plus humain, plus collaboratif, et centré sur la qualité réelle des pratiques.
Le changement échoue quand les dirigeants annoncent sans incarner. Les managers intermédiaires, eux, transforment la stratégie en actions concrètes qui font durer la transformation.